Il faut anticiper

B. Grosgeorge

 

Basket-Ball n°618

 

Dans cet article, nous comptons évoquer l’importance de l’anticipation dans l’apprentissage de la lecture du jeu. En effet l’anticipation permet de réduire les délais de production d’action et d’initier plus tôt les mouvements souhaités. Si le joueur est préparé à cela, sa lecture se fera au moindre coût (inhibition de certaines éventualités d’actions et réduction des réorganisations de sa conduite sous pression). C’est la mission de l’entraîneur d’amener les joueurs à faire des choix (à travers ses exercices et ses consignes ) et de valoriser certains indices pour en faire des déclencheurs de prédictions. Convaincu du bien fondé de cette orientation, nous avons prolongé les travaux d’I.Vanags relatifs à l’occupation de l’espace dans l’attaque placée (Diplôme INSEP) en utilisant des modèles probabilistes (inférences statistiques sur des fréquences parentes à partir de fréquences observées issues de données naturelles d’observation* ). Plus on parie sur la probabilité élevée d’un événement et plus le risque de non confirmation du choix retenu diminue. Concernant les prises de risques (étudiées en laboratoire), la probabilité de .90 constitue un seuil minimal à partir duquel les prises de décisions sont anticipées tout en acceptant le risque induit par ces choix (c’est le niveau de garantie pour que la réponse attendue soit confirmée dans les faits).

Ce recours à la théorie permet d’envisager l’entraînement de la tactique individuelle comme la recherche de prises de positions par anticipation en tenant compte des éventualités les plus probables susceptibles de faire rebondir le jeu d’attaque vers soi ou vers ses partenaires.

Les résultats de nos travaux confirment l’existence de positions clés du porteur de balle (balle en bord de zone réservée ou proche des coins de terrain) qui annoncent la fin proche de l’attaque (tir) et des positions à occuper par les non porteurs pour rendre l’issue de l’attaque plus aisée (pour le porteur de balle lui même ou après une seule passe à un partenaire). Nous retrouvons à quelque chose près le concept de secteurs clés (voir G. Bosc dans " comprendre le jeu "), secteurs dans lesquels l’attaquant porteur ou non provoque le duel contre son vis à vis. Quelques exemples typiques à titre d’exemples sont présentés ci-dessous.

 

Cas n°1 : le porteur de balle est au poste bas (dos au panier ou prenant la ligne de fond en dribble)

Dans cet, exemple, les espaces indiqués seront occupés dans 90% des cas par un non porteur avec des garanties très élevées pour que cette affirmation soit confirmée dans le jeu : - 91% pour l’espace opposé en ligne de fond

-100% pour le cercle restrictif et son prolongement côté faible

- et 82% pour la zone arrière hachurée coté fort

Cas n°2 : le porteur de balle est au poste haut à l’extérieur de la zone réservée

 

Dans cet exemple, l’espace situé à l’opposé, le long de la ligne de fond sera occupé dans 90% de cas et la garantie de ne pas se tromper en affirmant ce principe est de 74%. Nous retrouvons ici soit la fameuse relation " poste- pivot ", soit le " back door automatique " lorsque la balle est au poste haut

 

Cas n°3 : le porteur de balle est dans le cercle restrictif

Dans cet exemple, les secteurs du poste bas seront occupés dans 90% des cas et le risque pour que cette affirmation ne soit pas vérifiée est quasiment nul (98% de garantie) alors que la zone la plus haute (hachurée) présente moins de garantie pour le même seuil de probabilité (71%). Ceci confirme le rôle de soutien quelquefois assuré par un joueur intérieur

 

Si nous nous emparons des modèles sous-jacents à ces analyses et des résultats obtenus, des perspectives nouvelles d’entraînement se présentent. Les actions d’appuis et de soutiens au porteur de balle peuvent être anticipées avec des risques réduits. Les situations de jeu de 2 contre 2 ou 3 contre 3 avec passeur(s) qui proposent au départ de laisser des secteurs clés initialement vides pour susciter des prises de positions dans ces mêmes secteurs et y déclencher des luttes, donnent des lignes directrices pour améliorer la coordination entre le porteur de balle et les non porteurs

Cette automatisation des liens de positions est nécessaire (économique), elle est le fruit de l’entraînement, elle propose d’intégrer les comportements prévisibles des défenseurs en laissant aux attaquants une grande marge d’adaptation et d’initiative. ... Peut-être avons nous là une route à suivre ?