Du bon usage de la vidéo
B.Grosgeorge

Basketball n°617

Avec l’arrivée des magnétoscopes et la retransmission fréquente d’images télévisuelles de basket-ball, les images sont souvent considérées comme des aides à l’apprentissage technique. Qui ne cherche pas à étudier ses adversaires ou à corriger ses joueurs à l’aide d’un support vidéo. Si les résultats sont souvent positifs, plusieurs écueils éventuels doivent être anticipés. Ils peuvent venir des caractéristiques des joueurs, des procédures préconisées et enfin des caractéristiques des tâches sur lesquelles portent les apprentissages.

Sur le premier point, trois éléments sont à prendre en considération

1.1 le niveau des joueurs concernés

- Si les aspects d’une tâche sont maîtrisés il n’y a pas lieu de faire revenir le joueur à un niveau de conscientisation élevé (afin de ne pas encourager abusivement les joueurs à revenir à un niveau de régulation externe - cf. Hagedorn, 1975). En effet lorsque l’exécution est automatisée, seule la recherche de l’information pertinente est importante. Pour le reste le modèle interne de la tâche rend superflu le traitement de l’information en continu (le sujet fait l’économie du codage et du recodage) ; dans ce cas, il n’y a pas lieu d’augmenter de nouveau les dépenses cognitives si cela ne s’impose pas (cf. Neboit, 1983).

- Inversement si le sujet est confronté à quelque chose de nouveau, la prise de conscience jouera un rôle fondamental et doit dans ce cas être considérée comme une condition de l’apprentissage.

Les sujets bénéficierons d’autant plus d’informations complémentaires que leur niveau initial est élevé. Celles portant sur les déplacements des joueurs seront plus difficilement mémorisées que celles issues du déplacement de la balle ou des positions initiales des joueurs (Ripoll, 1979). Pour des sujets débutants, il risque même (en fonction du thème abordé) d’y avoir une relative inadéquation du message audiovisuel en début d’apprentissage.

1.2 les caractéristiques psychologiques de sujets

La confrontation du sujet à l’image de sa propre performance est d’abord la confrontation du sujet à sa propre image. Elle sera donc forcément génératrice de manifestations affectives plus ou moins intenses avec acceptation ou refus et par conséquent une influence sur le niveau d’acquisition. Sur ce point Simonet (1985) mentionne deux dimensions de la personnalité qui influencent les possibilités d’apprentissage par autoscopie : la dimension extra/introversion et l’échelle de névrosisme :

- Les introvertis à forte tendance névrotique seront fortement perturbés par des " feed-back vidéo et chez eux, leur niveau de performance risque d’être affecté négativement.

- Les extravertis à forte tendance névrotique adopteront vis à vis de l’image une attitude narcissique de satisfaction ou de jubilation. Chez ces derniers, il y aura une incapacité à prendre de l’information sur l’image et en fait, leur niveau de performance ne sera pas affecté de manière significative.

- Les extravertis et peu névrotiques accepteront eux la confrontation à l’image de leur performance. Pour eux, la connaissance de la performance s’avère bénéfique au regard de l’acquisition des comportements visés.

Toujours sur la plan psychologique, il faut rappeler que certains seront davantage sensibles à des messages visuels alors que d’autres feront un meilleur usage des consignes verbales. Les premiers feront une utilisation spontanée des images pour enclencher un apprentissage par imitation ; les seconds préférerons au contraire une utilisation plus construite de ces images reposant sur l’adjonction de commentaires et consignes précises Ces deux formes, si elles peuvent déboucher sur des transformations souhaitées n’agissent pas sur les mêmes processus : dans le premier cas, les représentations se feront progressivement au fil des acquisitions, alors que dans le second elles seront à la base même du processus.

I.3 il faut aussi tenir compte de l’âge

Chez les plus jeunes le rapport à l’image sera fortement teinté d’émotions et de fusion à l’image, source d’indifférenciation de l’information reçue.

II. Il y a ensuite des variables de procédures

Elles concernent la nature du feed-back, et surtout le mode de guidage réalisé par l’entraîneur. Il est souhaitable de laisser le temps aux acteurs de s’imprégner de leurs images et seulement ensuite sur la base des premières impressions, de donner aux commentaires une dimension prescriptive.

III. Enfin, il faut aussi tenir compte des variables liées aux tâches proprement dites

Si le travail porte sur l’amélioration de la composante gestuelle proprement dite :

- les conseils portant sur la forme et l’organisation interne du geste reformeront le pouvoir de l’image (recherche de constance).
- le délai inter-éssais dans ce cas, doit être le plus court possible pour engendrer des progrès
- Inversement si l’objet d’apprentissage porte davantage sur l’adaptation aux partenaires ou adversaires :
- alors il faut mettre en relation les éléments pertinents de la situation avec l’obtention du résultat
- ici le délai intéressais est moins important (meilleure mémorisation de la scène vécue antérieurement

Enfin, il ne faut pas oublier que les nouvelles représentations construites ne doivent pas être statiques et se limiter à cerner des propriétés entre des objets (terrain, lignes cible, règles ... ) et leurs relations, mais être dynamiques et fonctionnelles qui ne sélectionnent que les propriétés essentielles de l’activité à déployer. Les traits non pertinents pouvant être oubliés au profit de ceux qui le sont plus.

Il est donc illusoire de vouloir considérer les séances vidéoscopées comme un outil miracle. Il dépend de l’usage que les entraîneurs sauront en faire.