Dialogue autour de la préparation psychologique- Questions de Gérard Bosc

L. Fernandez, Basketball, n°542, juin 89

Dans un numéro précédent (février 1988) nous nous étions entretenus de problèmes généraux et de la définition de certains mots couramment employés (attention... concentration... pression) ; aujourd'hui nous reprenons le dialogue en espérant que ces quelques indications donneront des pistes de réflexion aux éducateurs.

- G. B : Est ce que tout cela à un rapport avec le stress ?

L. F : Il faudrait s'entendre sur le mot stress. La plupart du temps ce mot est perçu sous son aspect négatif ; alors qu'il a aussi un sens positif. Pour reprendre la définition de H. SEYLE, le père du stress, il s'agit: action brutale sur un organisme. Effet que produit sur l'organisme toute action physiologique ou pathologique.

Lorsque les sportifs parlent du stress, ils évoquent les problèmes provoqués par l'excitation de la compétition. On sait qu'il faut un certain degré d'excitation pour réaliser une bonne performance c'est -à dire qu'il ne faut être ni trop tendu, ni trop relâché et qu'il y a un seul optimum par indiVidu.

Il s'agit donc pour chacun des joueurs d'apprendre premièrement à déterminer son niveau optimum ; deuxièmement le gérer avec des outils bien précis.

On retrouve là tous les problèmes de la préparation psychologique qui est une Education, au même titre que le technico-tactique. C'est une éducation complète qui prend en compte, répétons le, l'individu dans sa totalité.

- G. B : Mais en Basket, à un certain niveau, nous sommes confrontés à des problèmes d'argent. Est-ce que nous intégrons ces problèmes ou est-ce que nous les occultons ?

- L. F : La politique de l'autruche n'a jamais porté de fruits ; il vaudrait mieux, pour reprendre ton expression, concevoir la place de l'argent comme un moyen d'éducation parmi d'autres.

- G. B : Et les effets de groupe ?

- L. F: C'est une dimension délicate car parfois, à vouloir régler un problème, par réaction en chaîne, on obtient l'effet contraire. Une fois que tu as pris conscience d'un problème, il ne faut pas agir avec ton éclairage. Il te faut te rendre compte d'abord si ton éclairage est celui des autres, c'est-à-dire si tu vois le problème comme les autres membres du groupe.

Ta force, ta principale force, est de mieux l'expliquer, de mieux le rendre évident, de mieux mettre à jour la perception maladroite des autres.

En un mot ta principale force réside dans le fait de mieux exhumer le problème que les autres devinent jusqu'à ce qu'il devienne clair, évident pour tous.

Mais si tu ne vois pas le problème comme les autres, tu te " plantes " complètement. Si un ex-joueur devenu entraîneur, n'a pas su basculer de sa vision sur lui à une vision sur les autres il ne peut réussir. C'est l'ex-champion qui reste égocentrique et qui dit " faites comme moi,... de mon temps... les jeunes n'ont plus de dynamisme... il devient très vite un père fouettard. A ce moment là, il n'a pas l'éclairage de l'ensemble, il ne voit midi qu'à sa porte ; il ne sait pas comprendre le problème d'ensemble et n'a qu'une vision restrictive.

Celle-ci peut parfois " tomber " juste, il a de la chance, mais si sa vision ne l'est pas, il n'a pas la capacité de s'extraire de lui même pour regarder la situation avec objectivité.

Il n'a pas de recul. Etre entraîneur c'est être ~un adulte, quelqu'un qui a un peu de recul. La notion de l'entraîneur dans un conflit c'est une notion d'autorité au nom de l'intérêt du groupe. L'autorité en tant que telle peut être ou pas reconnue, mais elle le sera toujours si son détenteur est capable de faire émerger la notion de l'intérêt du groupe. Ce n'est pas essentiellement un phénomène affectif.

" L'entraîneur est le gardien du groupe " dit Raoul BARRIERE. Le bon gardien est celui qui conduit son troupeau sur un grand pâturage ; sur les grands espaces ; et les grands espaces en sports collectifs cela correspond aux grandes possibilités d'organiser sa vie de groupe. Cela signifie faire découvrir des possibilités technico-tactiques importantes, d'avoir appris au groupe à répondre aux situations les plus diverses...

- G. B : Mais ce troupeau, constitué de joueurs, d'entraîneurs, de dirigeants comment peut il fonctionner ?

- L. F: À l'heure actuelle, il fonctionne tant bien que mai. Je ne voudrais pas aborder le sujet car d'une part cela nous conduirait trop loin et d'autre part cela nous sortirait du cadre de l'interview. Mais disons simplement qu'à la base il y a une confusion entre les diverses responsabilités exercées par les joueurs, les entraîneurs et les dirigeants. Chacun de ces groupes a des responsabilités différentes alors qu'elles sont vécues et perçues comme hiérarchiques. Différend hiérarchique, la confusion réside à ce niveau là.

Un joueur est responsable des formes de jeu ; c'est-à-dire que sur le terrain, il fait ce qu'il veut... à la seule condition de respecter la responsabilité de l'entraîneur.

Un entraîneur est responsable des principes de jeu qui sous-tendent les formes de jeu. Bon nombre d'entraîneurs confondent principes et formes.

Le dirigeant est responsable, avec l'entraîneur, de placer le joueur dans des conditions idéales pour effectuer la performance. Beaucoup de dirigeants confondent souvent aspect sportif et aspect financier.

Je t'avais bien dit que cela pourrait nous conduire trop loin...

- G. B : Revenons donc à la préparation psychologique. A t'elle un avenir ?

L. F : Les entraîneurs de demain seront ceux qui, toute chose étant égale par ailleurs, connaîtront le mieux les ressorts de l'athlète en compétition. La difficulté actuelle consiste à trouver un fil d'Ariane car les informations sont multiples et surtout de type universitaire.

Je pense pourtant qu'il existe un langage accessible à tous qui permet d'aborder ces questions sans rien éliminer; mais aussi sans rien compliquer. Il existe des stages particuliers qui permettent d'aborder ces problèmes avec une vision très pragmatique adaptée aux besoins des entraîneurs.

Il n'est pas douteux que dans un proche avenir les éducateurs s'y rendront pour augmenter leurs connaissances.

A la longue, il est bien évident que ces formations feront partie intégrante de la formation des entraîneurs.