Plaidoyer pour un jeu rapide

B.Grosgeorge, Basketball, n°607, février 1996

L'ESSENTIEL : Dans les deux précédents numéros des "cahiers de l'entraîneur" nous vous avons présenté "l'essentiel". Dès ce numéro et dans plusieurs articles à venir, nous allons décliner cette notion à travers différents thèmes, pour l'entraîneur (à propos de ses conceptions du jeu) et pour le joueur à deux niveaux différents : à travers les critères objectifs d'une bonne exécution technique constituant des repères pour progresser dans ce registre et à travers ce qui contribue à alimenter de bonnes décisions dans le cours du jeu. Le premier thème abordé est le jeu rapide, le contenu de cet article met un accent particulier sur ce qui doit être pris en compte pour remédier à des erreurs de lecture, flagrantes chez les jeunes.

I. Une conception réaliste du jeu chez les jeunes

- Chez les jeunes, le nombre de pertes de balles en match (essentiellement sur interceptions et accessoirement sur violations) se situe pour chaque équipe entre 25 et 35. Il y a donc un nombre important de changements de possessions de balles pour chaque équipe, ils sont autant d'occasions de contre attaques.

- Dans les phases de jeu placé, la réussite aux tirs ne dépasse pas 30% alors que la réussite des tirs de contre attaque dépasse légèrement 50%

- les prises de tirs ne se font pas toujours dans des conditions favorables

- L'organisation même rudimentaire de la C.A. (avec une, voire passes) suffit à ce niveau pour trouver des solutions de tirs alors qu'en jeu placé, les insuffisances techniques permettent de réussir seulement très peu de tirs hors de la zone réservée.

- De plus, comme un progrès rapide est possible aussi bien pour diminuer les pertes de balles dans ces situations que pour améliorer rapidement la réussite de ce types de tirs, cette orientation du jeu répond parfaitement à un souci d'efficacité.

- Enfin, cette orientation stratégique présente l'avantage d'être facilement compréhensible et colle parfaitement à la spontanéité des jeunes.

Les situations potentielles de contre-attaques sont très nombreuses, la recherche du jeu rapide doit être une priorité et un nombre important de points sur contre-attaques doit en être issu.

II. Principes incontournables pour le jeu rapide

II.1. Le jeu rapide est une forme de jeu très structurée et très rigoureuse, (il débute dès que l'équipe entre en possession du ballon).

II.2 L'objectif est d'amener la balle le plus vite possible vers l'avant (exemple : le ballon doit franchir la ligne médiane en 3").

II.3 Donner la priorité au jeu de passes (exemple: passer vers l'avant, courir dans sa passe, recevoir en mouvement). Course de tous les joueurs, occuper les couloirs, et attaquer les espaces clés pour tirer (figure 1)

- d'abord en (1) pour fixer

- puis en (2)

- enfin en (3) pour passer et assurer la continuité de l'attaque

 

 

III. La forme spontanée du jeu rapide chez les jeunes

Il s'agit le plus souvent d'une contre attaque primaire avec plusieurs dribbles de l'intercepteur et une passe au joueur le plus avancé qui court devant en se souciant assez peu de prendre le couloir extérieur.

Cette forme spontanée de contre attaque éclair (avec une passe est source de nombreuses pertes de balles. S'il faut garder cette orientation de jeu (jeu rapide), il faut aussi diminuer au plus vite le nombre de pertes de balles.

IV. Quelles tâches pour les joueurs?

Compte tenu de la vitesse exigée, nous pensons que le jeu de contre attaque doit être très structuré (par les ailes ou par le centre et l'entraîneur s'y tiendra).

Sur balles interceptées :

Pendant ses deux premiers dribbles le porteur doit regarder devant lui pour savoir si un partenaire court devant.

- Si un joueur est dans le couloir extérieur côté balle, si possible lui passer la balle.

- Si ce même joueur n'a pas pris le couloir extérieur, il ne faut pas lui passer la balle.

- Si un partenaire est libre côté opposé avec une possibilité de lc0, lui passer la balle seulement après s'être assuré qu'il n'y a pas d'interception possible sinon, il croise l'axe du terrain en dribble (pour éviter une interception).

Principales lacunes chez les jeunes :

- le passeur et le réceptionneur sont souvent trop éloignés l'un de l'autre et alignés dans la même profondeur (dans l'axe du terrain) cette mauvaise utilisation de l'espace provoque de nombreuses pertes de balles sur la première passe.

- il n'y a pratiquement pas de contre-attaque avec 2 passes et lorsqu'elles existent, la seconde passe est souvent adressée côté faible à l'autre ailier Cette passe transversale est très déconseillée tant que les jeunes ne sont pas capables de la réaliser tendue.

- l'absence de replacement du meneur dans le dribble de contre-attaque et la recherche de grandes passes en diagonale sont à l'origine de nombreuses pertes de balles (pertes dues au manque de vitesse de déplacement du porteur de balle précédant la passe et au manque de force explosive des bras, surtout chez les filles).

L'utilisation de passes lobées par dessus la défense est à proscrire. Il faut obliger les joueurs à courir dans leurs couloirs tout en se plaçant dans les secteurs de réception possibles de la passe, laissés libres par la défense.

Pour le porteur, si la passe n'est pas possible, dribbler vers l'avant le plus

vite possible en s'alignant avec l'une des extrémités de la ligne de lancer franc (cette option est un choix de l'entraîneur).

- à l'opposé du joueur qui est en avant dans le couloir extérieur, si le jeu s'oriente vers un "2 contre 1 " (dans cette situation les attaquants doivent impérativement s'écarter pour rendre la défense à 1 c 2 impossible, figure 2a).

- du côté du joueur extérieur, si un deuxième défenseur repliant gêne le porteur, dans ce cas le jeu s'oriente plutôt vers un "2 contre 2 +1 " avec utilisation ultérieure d'un "trailer".

Il est très important d'apprendre aux joueurs à reconnaître dans le déroulement de la contre-attaque le type de surnombre qui s'amorce (lc0, 2cl, 3cl, 3c2 ou 2c2 +1, car c'est le type de surnombre qui détermine l'utilisation de l'espace par le dribbleur.

- si la situation est de type 3cl le porteur passe la balle devant, si ce n'est pas possible (ce qui est peu probable puisque limité au cas ou deux contre attaquants se rapprochent l'un de l'autre) il réduit la distance avec le seul défenseur pour le fixer et passer la balle (figure 2b).

Pour les situations de type 2cl, si la passe n'est pas possible, le porteur dribble vers l'avant le plus rapidement possible jusqu'au milieu du terrain et ensuite ralentit son dribble Dour fixer le défenseur avant de trouver son partenaire avec de préférence une passe à terre.

L'ailier qui reçoit la balle doit décider rapidement si la route du panier est ouverte, si ce n'est pas le cas, il doit savoir rester dangereux (en se replaçant avec la balle à l'extérieur) pour ouvrir un couloir de passe à un joueur pénétrant (le précédant porteur ou le premier suiveur).

Remarques :

Chez les jeunes, il y a souvent précipitation (pas de ralentissement dans la seconde phase de la C.A. avec une passe réalisée trop tôt sans fixation du défenseur. Dans d'autres cas, faute d'avoir fixé un défenseur, le meneur va se planter dans la défense et faire un "tir en course catastrophe", Pour éviter cela, le dribbleur doit donner l'impression dans son dribble, qu'il prépare un tir du bord de la zone réservée et s'attendre à accélérer de nouveau (si le défenseur ne réagit pas) pour faire un tir en course.

Le porteur doit apprendre à maîtriser le rapprochement avec l'adversaire (fixation). Cet apprentissage exige qu'il s'entraîne à être disponible pour réaliser l'action consécutive à la fixation (fixation passe, fixation dribble ou fixation tir) dans un bon timing.

M Les jeunes ayant encore peu de pratique se replacent rarement hors des 6,25m dans le spot situé à 45' par rapport à la planche; cette position à proximité de la zone réservée rend la passe intérieure impossible ou à risque (passe dans un mouchoir ou mauvais spacing").

2. Les contre attaques secondaires

Celles qui utilisent le ou les suiveurs (ces situations se présentent surtout sur rebond défensif ou panier encaissé).

Comme pour le jeu placé, la numérotation classique des joueurs de 1 à 5 permet de définir plus facilement les attributions de chacun (elles sont très liées à des options personnelles de coach).

Nous tenons à insister sur l'occupation de l'espace dans sa largeur avec des ailiers à proximité des lignes de touches, l'existence d'un ou deux couloirs pour les "trailers" et surtout un timing dans le déroulement de la contre-attaque pour que les non-porteurs soient en situation de réception de balle consécutivement aux fixations des porteurs successifs. Enfin nous rappellerons qu'il est le plus souvent demandé au n°5 (qui se présente le dernier) de s'arrêter en position de 2ème arrière (hors des 6,25m) pour assurer le renversement si aucune solution n'est possible côté balle.

3. Le modèle de contre-attaque développé par les juniors espagnols

La course d'un joueur de pointe sur l'axe "panier-panier" se fait le plus rapidement possible, dès qu'une balle est récupérée. Ce sera systématiquement le n°4, sauf si c'est lui qui fait le rebond défensif (la remise en jeu sur panier sera toujours faite par le n°5). Cette course du 4 n'est pas prioritairement pour recevoir la balle (cela peut se faire dans quelques rares situations chez des joueurs très entraînés), mais surtout pour fixer un joueur du repli défensif et faciliter la passe à un ailier. Sa course se fera à pleine vitesse en regardant la balle, il ira percuter un défenseur replié (s'il y en a 1) et roulera à son contact avant de demander la balle au poste bas côté balle. Cette forme de contre-attaque fut aussi utilisée par M.Gomez en France avec l'équipe de Limoges.

Le meneur de jeu - il demandera la balle en mouvement côté balle, orienté de façon à l'attraper en ayant déjà dans son champ visuel la ligne de fond adverse.

- Si le dribble est nécessaire, il se fera uniquement dans le camp défensif, avec passe dans une aile (sinon c'est que la contre-attaque est peu probable).

Les ailiers - tant que la balle est dans le camp défensif, ils doivent courir à pleine vitesse dans les couloirs extérieurs. Pour éviter que des défenseurs se remettent en jeu par leur repli, la balle doit franchir le milieu du terrain en moins de 3 secondes (utilisation du temps pour inciter les attaquants à avoir un bon "spacing").

Remarques :

- Les jeunes ont tendance à ne pas courir près des lignes de touche, à se rabattre trop tôt vers le panier et à ralentir pour demander la balle. Cette mauvaise trajectoire de l'ailier entraîne un rapprochement trop important entre le meneur et l'ailier ainsi qu'un mauvais angle de passe. La défense s'en trouve facilitée d'autant.

- Ils ne couperont pas (c'est un choix),

- S'ils ne sont pas libres, ils se prépareront à recevoir la balle en zone d'attaque en prenant le spot extérieur à 45', hors des 6,25m,

- Si besoin est, ils utiliseront le dribble pour se replacer et trouver un couloir de passe vers l'intérieur au 4 qui se présente poste bas.

Le 2ème suiveur (le plus souvent le n°5)

Pendant que le meneur de jeu progresse, le 5 court vers l'extrémité de la ligne de lancer franc adverse non recherchée par le meneur (couloir libre), 5 se stoppera hors des 6,25m sans changer de couloir et selon que le meneur passe la balle ou ne la passe pas et que le 5 est du côté fort ou non, différentes alternatives de transition apparaîtront que nous ne pouvons développer ici.