Le processus de transmission

de la technique

B. GROSGEORGE

Basketball, n°591, mai 1994

Au cours de ses interventions, l'entraîneur combine ou sépare ses explications avec des démonstrations (cf articles précédents)dans le but de faire naître de nouvelles représentations destinées à faciliter l'apprentissage ou consolider les techniques de jeu. Dans le schéma traditionnel de la relation, l'entraîneur cherche à inculquer au joueur sa propre image de la tâche, L'intention semble louable mais elle n'est pas opérationnelle car elle oublie que le joueur a progressivement construit ses propres représentations du jeu et des actions à réaliser à travers ses expériences antérieures (rôle des entraîneurs précédents ou encore des médias).

01tp0005.jpg (7102 octets)D'autres facteurs tels que l'inattention ou la fatigue de l'un ou de l'autre sont aussi susceptibles de parasiter la relation entre l'entraîneur et le joueur (ou l'équipe) mais nous ne développerons pas ici comment mieux "résister "à ces types de perturbations. Toutefois, la réciprocité ne signifie pas pour autant la symétrie de cette relation (nous développerons celé plus loin).

 

 

I. LES RÉFÉRENTIELS D’ENTRAINEUR ET DE JOUEUR

Lorsqu'un joueur (ou une équipe) "n'accroche" pas à la composante conceptuelle (qu'elle soit stratégique, tactique ou technique) de ce qui est demandé par l'entraîneur, le processus de transmission est perturbé et les informations émises par ce dernier sont perdues. Ce dysfonctionnement peut être attribué à une faible préparation de l'entraîneur ou à ses compétences.

Pour que le processus soit efficace il est nécessaire qu’il y ait au niveau du couple "entraîneur/joueur(s)" une zone de référence qui soit communément partagée à plusieurs niveaux

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1. Celui de l'interprétation des informations relatives aux intentions de jeu et à la nature des actions à effectuer.

2. Celui de la compréhension de ce message en relation avec les actions déroulées antérieurement (c’est le problème de la liberté des joueurs)

3. Celui de la mémorisation du message émis

4. et celui de son assimilation, c'est à dire de son extension possible à des cas de figures analogues

Ces différentes composantes de la transmission sont rarement optimisées par l'entraîneur et ce dernier est souvent très surpris par le faible niveau d'intégration de son modèle de jeu par les joueurs. C'est pourquoi il est nécessaire d'avoir des échanges formels avec les joueurs (analyse de séquences de jeu au magnétoscope de ses propres comportements ou ceux d'adversaires à venir) et informels en dehors de l'environnement des matchs pour identifier à quel(s) niveau(x) les blocages ont lieu ou pour le moins, les anticiper.

Revenons à l'intersection des référentiels de l'entraîneur et du joueur; celle-ci doit se faire à deux niveaux qui sont parallèles et complémentaires :

- il y a tout d'abord, le message codifié (sémantique) qui s'appuie sur la terminologie du basket-ball, ce langage constitue ce qu'on appelle la " culture basket ". Il est un facteur de compréhension car il repose sur un langage concis et peu ambiguë. Comme il sert de référence, il doit être utilisé et respecté et un trop grand décalage sur ce plan de la transmission peut interférer avec des apprentissages antérieurs, voire devenir source de blocages.

- Il y a aussi le message non verbal (ecto-sémantique) qui renvoie aux composantes affectives émotionnelles et qui s'appuie sur des accents, des gestes, des attitudes, des inflexions de voix qui doivent correspondre à une part des attentes du joueur.

Le même message peut transiter par l'un ou l'autre de ces canaux et les joueurs peuvent avoir leurs préférences pour fonctionner plutôt sur un registre que sur l'autre et de ce point de vue, l'adaptabilité de l'entraîneur est un élément crucial.

D'une façon plus générale, sur ces deux registres, l'attrait du modèle de la N.B.A., véhiculé par tous nos médias n'est pas sans exercer une influence sur les joueurs ...

Le style de commandement, la disponibilité pour la lutte, la cohésion, la tonalité de l'entraîneur, etc. ...conditionnent le niveau de préparation générale de l'équipe mais en retour les particularités des joueurs (ou, et de l'équipe) imposent des exigences au style de direction.

II. INFLUENCE DES PARTICULARITÉS DES JOUEURS SUR LE STYLE DE DIRECTION DE L'ÉQUIPE

Une enquête déjà ancienne (publiée en 1975 en URSS), réalisée sur 138 athlètes répartis en 3 catégories différentes (de rang international, intermédiaire et de niveau inférieur), a mis en évidence les qualités considérées comme les plus importantes selon le groupe d'appartenance.

 Pour les sportifs de haute compétition (C), c'est l'approche fonctionnelle avec notamment les qualités professionnelles portant sur :

- le processus d'entraînement
- la dimension créatrice de l'entraîneur dans son travail
- la connaissance tactique
- l'exigence et la discipline

 

 

A l'opposé

pour les sportifs de catégories inférieures (A) ce sont les aspects communicationnels, la sensibilité, l'équité, la sociabilité et enfin le sens tactique qui sont mentionnés.

Sans opposer outre mesure ces deux dimensions (les aspects fonctionnels et communicationnels) qui caractérisent le style de direction adopté, nous retiendrons que les qualités de l'entraîneur dépendent de l'homogénéité des référentiels et des attentes du couple "entraîneur-équipe".

Selon les aspirations sportives des joueurs (ou du club), l'entraîneur doit rechercher le style qui optimise le processus de transmission technique.

L'adéquation de la relation interactive n'est pas statique et c'est à l'entraîneur d'amener pas à pas les joueurs sur le terrain qui justifie sa fonction. C'est en ce sens que l'on peut dire que l'entraîneur progresse avec les joueurs au fur et à mesure des compétitions et c'est peut être aussi pourquoi sa reconnaissance est aussi éphémère.