Le cheminement vers le plus haut niveau sportif
B. Grosgeorge

Basketball n° 611

A chaque âge et à chaque niveau de pratique correspondent des besoins de pratiquant et des objectifs assignés par les entraîneurs différents. Au départ les incitations vers le basket-ball viennent surtout de l’entourage (copains, école, parents terrains à proximité...) et progressivement l’envie de jouer et d’y prendre du plaisir doit prendre place (voir Basket-ball n°609). Ce décalage initial entre les aspirations des jeunes joueurs et celles des entraîneurs ne doit pas être caché, un bout de chemin doit être fait vers les joueurs, faute de quoi l’investissement de l’équipe technique risque d’être totalement perdu.

A l’inverse nous trouvons des jeunes qui rêvent de NBA en oubliant que le sport est avant tout la recherche de la perfection et que se dépasser exige que l’on soit capable de donner beaucoup de soi même. Aux entraîneurs de rappeler que l’accès vers le haut niveau est un processus lent qui doit être marqué par l’atteinte d’objectifs gradués.

Actuellement les évaluations sont incertaines et il n’y a pas encore pour le basket-ball (comme pour d’autres sports) l’existence de configurations d’aptitudes particulières (exceptée la taille). Ce sont les entraîneurs et les comportements en compétition et le suivi de l’évolution des joueurs qui apportent davantage que toutes les mesures réalisées en laboratoire. Un niveau initial élevé ou encore des progrès rapides et spectaculaires ne doit pas faire perdre de vue aux entraîneurs que des progrès, même lents mais surtout réguliers permettent souvent de faire de meilleurs pronostics.

Malgré toutes les incertitudes qui planent sur le devenir des performances initiales, selon Bloom (1985), trois grandes phases caractérisent l’évolution d’une relation à l’entraînement qui se concrétise ultérieurement par l’accès au plus haut niveau qu’il soit sportif ou non (musique, scientifique...).

1. La première phase :

Elle concerne la nécessité pour l’entraîneur de susciter l’adhésion et de se préoccuper davantage de la participation plutôt que du résultat immédiat. Les progrès réalisés chez les jeunes doivent avant tout être associés à des expériences affectives positives qui façonneront ensuite une base de procédures et de connaissances susceptibles d’enclencher des efforts intentionnels venant du joueur lui même. Si précocement il associe que pour réussir, il faut en c - - - - et que c’est " marche ou crève ", le jeune " décrochera " rapidement même s’il avait un certaines dispositions. C’est l’image positive des premiers progrès réalisés par le jeune joueur qui le rend progressivement mordu pour le basket-ball. Ce pré-requis est indispensable, il prépare la seconde phase des transformations.

2. La deuxième phase :

Elle se caractérise par la capacité du jeune joueur à accueillir favorablement des critiques perspicaces de l’entraîneur. Le joueur devient capable d’évaluer ses progrès et la relation avec l’entraîneur se caractérise à ce moment par le respect mutuel. A ce niveau l’entraîneur veillera à ne pas perdre de vue ce jeune qui, à cause d’incidents fortuits (blessures, motivations incidentes...) pourrait le tourner vers d’autres activités. D’après Csikszentmihalyi (1986 et 1993) même à un niveau de perfectionnement assez avancé, les qualités naturelles (talent brut et traits de personnalité qui contribuent à la concentration) sont moins importantes que le rôle des parents et d’un environnement agréable caractérisé par :

2.1. la reconnaissance sociale des aptitudes des jeunes
2.2. la prise de conscience du conflit entre le dépassement au travail et les relations avec les pairs
2.3. l’insertion dans des familles qui apportent aides et défis
2.4. le soutien propice au développement offert par les compétences de l’entraîneur
2.5. les récompenses
2.6. le fait de vivre des expériences positives optimales

La présence de ces différents ingrédients est capitale chez des jeunes qui gravitent autour des sélections nationales de jeunes, elle constitue un préalable favorable pour aborder la phase suivante.

3. La troisième phase :

Elle se caractérise par le fait qu’ici le basket domine la vie du joueur et c’est à ce moment lui qui à l’initiative et qui se déclare prêt à s’accorder du temps et faire les efforts requis pour atteindre son but dans un climat de respect élevé envers l’entraîneur. Le joueur qui atteint ce niveau de développement devient alors responsable de ses progrès ( ce qui n’était pas le cas à la phase précédente). D’après Bloom (1985) et Ericsson (1993), 10.000 heures de pratique (près de dix ans d’entraînement) sont nécessaires pour atteindre cette phase (il n’est donc pas surprenant que les internationaux des catégories jeunes n’en soient pas encore là.)

Toujours d’après les mêmes auteurs, il semblerait qu’il y ait une quatrième phase qui demande elle aussi une dizaine d’années de travail pour permettre d’aller au delà des connaissances admises dans la discipline et apporter en qualité d’entraîneur une contribution technique, unique propre à leur discipline.

Revenons aux joueurs, l’entraînement prolongé, ne garantie pas automatiquement l’atteinte d’une performance exceptionnelle ; la pratique doit incorporer les efforts délibérés de toutes les parties présentes pour améliorer la performance, elle doit se différencier du travail et du jeu pour le plaisir, et nécessite la maîtrise de 3 contraintes :

1. que l’environnement donne aux joueurs les ressources matérielles humaines, financières ainsi que le temps suffisant
2. que les joueurs sachent renoncer au plaisir pour améliorer leur performance
3. qu’ils acceptent un travail intense prolongé et surpassent la contrainte d’effort (en maintenant un niveau qualitatif suffisant) dans un contexte qui assure récupération et équilibre

Les aptitudes naturelles sont loin d’être le facteur décisif d’accession à des performances exceptionnelles. Une carrière sportive est le fruit de l’aboutissement d’une évolution qui respecte une chronologie, aux entraîneurs de la respecter aussi pour ne pas avoir des niveaux d’exigences décalés par rapport à ce cheminement.

Si les entraîneurs ne veulent pas encombrer les structures d’entraînement de haut niveau avec des jeunes aux motivations incertaines, ils doivent veiller à ce que les structures d’encadrement ou d’environnement jouent pleinement leur rôle auprès de ceux dont les potentialités deviennent progressivement repérables.