Des tirs, oui mais aussi ... de la
méthode
Laugmentation du volume dentraînement sest répercuté sur la place accordée aux tirs dans les séances, elle représente aujourdhui près de 40% du temps dentraînement. Pourtant, les entraîneurs se plaignent souvent de ne pas disposer dun tireur fiable, régulier, capable de faire exploser une zone ... alors que ces mêmes joueurs se révèlent parallèlement, capables de faire des séries remarquables à lentraînement ... La quantité de tirs nest peut-être pas une condition suffisante pour transférer la réussite constatée à lentraînement, en situation de compétition ? Revenons sur les différents facteurs susceptibles de perturber le tireur en match : - un manque de préparation collective et individuelle
précédant le tir La méthode dentraînement préconisée nest jamais évoquée et pourtant, elle nest peut-être pas neutre ? Lapproche traditionnelle consiste à dire, quil faut répéter, rendre le geste automatique voire machinal et quil faut en faire et en refaire ... La répétition du tir étant préconisé avec un minimum dinterruption par dautres activités (comme par exemple les 100 lancers francs de fin dentraînement ou encore des grilles de tirs réalisées à partir de positions standard, sans déplacement ou sans dribble). Cette consolidation de lhabileté permet dobtenir de bons résultats immédiats, chez ceux qui maîtrisent assez mal leur technique, mais pour des joueurs confirmés en est-il de même ? Que reste-t-il de tous ces efforts un mois après ? Ces acquisitions sont elles bien mémorisées à long terme? Si lon se fie aux travaux des spécialistes de lapprentissage ( Shea et Morgan cités par Schmidt*), il nen est rien. Pour une personne qui a déjà une technique correcte, le fait de sentraîner en réduisant la difficulté par rapport à celle du match incite à sexercer dans un environnement très prévisible dans lequel le tireur na que peu de paramètres à combiner (force, direction trajectoire), avec toute liberté de choisir son propre rythme dexécution. A faire et refaire des gestes identiques on napprend pas à se construire des sensations à les ressentir. Pour ces motifs, ce genre de pratique " en bloc " ne permet pas de bien mémoriser ce qui est appris, elle est inefficace dans le long terme. Pour une conception compatible avec les " savoir daujourdhui " Au cours du jeu la variabilité est une partie intégrante de lhabileté technique (la vitesse de réalisation nest jamais constante). Lattention joue donc un rôle essentiel, elle sexprime dans la relation du joueur avec tous les objets du jeu (espace, cible, balle, joueurs, score ...) pour réaliser laction souhaitée. Cest une inadéquation de la manipulation des paramètres du mouvement qui est à la source dune exécution défectueuse. Comme les situations changent constamment, les processus cognitifs (orientation de laction, choix des impulsions, décision, exécution et contrôle) jouent un rôle déterminant. Comme le préconisent les auteurs déjà cités, il serait souhaitable dinciter les tireurs à recréer et élaborer des solutions différentes plutôt que de les laisser se satisfaire à reproduire les mêmes gestes . Le fait de passer dune tâche " A " à une tâche " B " renforcerait loubli de la tâche " A " et inciterait davantage le joueur à solliciter son attention pour générer de nouveau la tâche " A " lorsquil reprend un autre essai. Le processus délaboration dune solution plutôt que celui dune reproduction profiterait davantage à lapprentissage. Dans le même ordre didées, lanalyse de performances en dribbles chez des joueurs de football expérimentés (Ouattara**) devrait inciter les entraîneurs à augmenter les contraintes qui pèsent sur les joueurs en rendant volontairement les tâches plus complexes que celles à réaliser en match. Voici à titre dexemple un modèle pour réaliser une série de tirs extérieurs 1. Pour des tirs sans opposition, lentraîneur détermine :
2. Pour le même tir, le tireur doit impérativement faire varier le rythme dexécution (le tireur fait 2 tirs au même emplacement)
3. Ensuite le tireur combine librement à sa guise différentes modalités dexécution : - réception face ou dos à la cible
- sans feinte ou avec feinte avant le tir Cette pratique " variable ", voire " aléatoire " (lorsquelle intègre simultanément dautres apprentissage techniques de dribbles, arrêts, jeu de jambes ... en ne répétant jamais dans le même ordre les enchaînements gestuels) laisse des traces plus significatives et plus distinctives et augmente ainsi la force de la mémoire. En demandant toujours beaucoup dattention aux joueurs bien quils aient déjà de bons automatismes gestuels on lutte ainsi contre une conception machinale de lentraînement. Les situations ou séquences dentraînement qui reposent sur de tels modèles sont certes plus complexes à mettre en place par lentraîneur et sollicitent davantage la créativité des joueurs mais lenjeu nen vaut-il pas la chandelle ? * Schmidt (R.A).- Apprentissage moteur et performance,
Paris, Vigot, 1993 |