L’attaque de zone et son importance
chez les jeunes joueurs

I. BALLARINI, Pivot, n°73, 1er trimestre, 1996

Nous allons tenter, dans cet article, à la fois de synthétiser de la façon la plus claire possible les quelques idées et principes qui peuvent sous-tendre l’attaque de zone, et de réhabiliter l’utilisation de la défense de zone aux yeux des entraîneurs de jeunes, comme outil indispensable à leur formation de joueurs.

 

I. Le jeu rapide

On réfléchit souvent à l’attaque de zone en supposant qu’elle est déjà placée, et en oubliant qu’il lui faut un certain temps pour le faire...

Une des manières les plus efficaces pour éviter les pièges de l’attaque de zone, c’est bien sûr de ne pas lui laisser le temps de s’organiser, et de profiter de chaque occasion d’exécuter une attaque rapide.

La ligne directrice de toutes ces attaques est de profiter soit de l’absence de défenseurs, soit de leur mauvais placement, soit enfin de la confusion créée par le replacement défensif trop rapide.

Bien entendu, on ne peut pas attaquer vite à chaque possession de balle, il faut donc se reposer sur des principes pour attaquer la défense de zone lorsqu’elle est déjà placée.

 

II. Les fixations

La fixation des défenseurs, qui peut être utilisée sur n’importe quelle défense, prend toute son importance face à la défense de zone essentiellement pour des raisons de responsabilité: qui doit se charger de cet attaquant lorsqu’il est dans ce secteur de terrain qui est à la périphérie de mon propre secteur ?

C’est en fait la réponse juste et rapide à cette question qui caractérise les défenses de zone efficaces. En effet, sur le plan collectif, on peut dire que la fixation sert essentiellement à créer un décalage entre les mouvements du ballon et les mouvements des défenseurs, ces derniers devant en permanence combler le retard pris au départ de l’action.

Mais, sous un principe commun qui est de "fixer un ou plusieurs défenseurs quelque part, pour libérer l’espace "ailleurs", on peut en réalité voir apparaître des formes différentes de fixation.

Tout d’abord, on pourrait parler de la forme de fixation la plus individuelle qui est la

feinte.

En effet, qu’est-ce qu’une feinte si ce n’est la fixation de son propre défenseur (ou d’autres défenseurs...): on le " fixe " du côté droit pour pouvoir partir à gauche (sur une feinte de départ en dribble), on fixe ses bras au dessus de sa tête pour pouvoir faire une passe au sol (sur une feinte de passe), on le " fixe " en l’air pour pouvoir tirer (sur une feinte de tir), etc...

Cet enclenchement de la déstabilisation de la défense peut se faire de différentes façons:

II.1Fixation de " voisinage "

Le but de la manœuvre est, dans les secteurs périphériques de la défense de zone, d’attirer un défenseur hors de son " territoire " pour le faire se déplacer latéralement dans un territoire voisin du sien.

 

En bout de chaîne, on peut quelquefois réussir à trouver une position de tir relativement proche du panier, ou tout au moins un espace ouvert dans lequel on peut s’engouffrer pour une pénétration (Fig.1).

 

Pour les attaquants, cette fixation du défenseur " voisin " s’effectue en dribblant vers le cercle (dribble de pénétration) dans l’espace situé entre deux défenseurs (intervalle).

Pour le porteur de balle, les consignes seront les suivantes :

- avoir un dribble réellement pénétrant

- ne pas pénétrer face à un défenseur mais bien dans l’intervalle entre deux défenseurs

- être capable de prendre la bonne décision en fonction de la réponse défensive: soit un défenseur intervient face à moi dans ce cas je passe la balle à mon partenaire, soit personne n’intervient, dans ce cas je dois être capable de continuer mon action (par un tir en suspension, ou par la continuation de ma pénétration vers le cercle). Mon intention première est donc d’aller vers l’intérieur pour tirer, et non pour passer...

- la transmission de la balle vers le partenaire doit s’effectuer le plus rapidement possible, c’est à dire avec une passe dans le dribble, et sans que la défense puisse facilement l’intercepter, c’est à dire avec une passe à terre (à rebond)

- la défense doit être persuadée jusqu’au dernier moment de l’intention du porteur d’aller vers le cercle, aussi ce dernier ne doit pas regarder le partenaire à qui il va donner la balle, mais bien le cercle

Pour les non-porteurs, futurs receveurs, les consignes seront:

- se placer déjà face à un intervalle, et non face à un défenseur

- se placer de façon à ne pas être trop éloigné du porteur (environ trois-quatre mètres)

- recevoir la balle déjà lancé vers le cercle (ce qui implique qu’on s’est mis en mouvement quasiment en même temps que le porteur)

- se préparer à recevoir la balle (préparer ses mains), et à enchaîner à son tour une pénétration dans l’intervalle.

L’apprentissage de ces différentes techniques est difficilement réalisable hors du contexte global du jeu réel en cinq contre cinq, car il donne une grande importance à la lecture de la défense.

La priorité de l’entraînement sera donc, dans un premier temps, de s’assurer de l’apprentissage de ces techniques, avant toute autre considération collective (système d’attaque).

II.2 Fixation "dedans - dehors"

Dans cette famille de fixations, le but recherché est d’attirer la défense vers l’intérieur de la zone réservée pour pouvoir tirer librement à l’extérieur, ou au contraire de l’attirer vers l’extérieur pour libérer les espaces près du cercle.

Ce type de fixation peut n’intéresser que deux joueurs, placés dans un même couloir de jeu direct, ou peut impliquer la totalité de l’effectif.

Là aussi, la lecture de la réponse défensive prend une importance toute particulière:

- lorsque la balle est dans les mains d’un joueur intérieur placé près du cercle, l’attention doit être portée sur la venue (ou non) d’un (ou de plusieurs) joueurs extérieurs sur lui en double marquage, car cette venue signifie "démarquage d’un joueur extérieur"...

Il doit en outre percevoir très vite de quel secteur ce (ou ces) joueur(s) provient(nent), car c’est là qu’il peut y avoir un partenaire extérieur libre à qui transmettre la balle.

- pour le joueur extérieur, les techniques à maîtriser absolument sont les suivantes:

- lorsque la passe à l’intérieur a eu lieu, savoir se démarquer dans l’espace extérieur libre (dans le cas d’un double marquage sur le joueur intérieur) en choisissant l’endroit que le défenseur ne voit plus (parce qu’il est de dos)

- sur retour de passe, savoir prendre une position dangereuse et menaçante balle en main (triple menace) et,

- éventuellement pénétrer en dribble dans l’intervalle, mais surtout à l’opposé de la venue du défenseur, pour le prendre à contre-pied (l’adversaire vient vers moi de la droite, je pars en dribble vers la droite)

- enfin, bien entendu, il est fondamental qu’un joueur extérieur possède un tir à grande distance efficace, avec un pourcentage de réussite minimum de 45% à 50% dans les tirs à trois points.

Dans ce chapitre, il est aussi important de prendre en compte les secteurs à mettre en relation lors d’une fixation " dedans -dehors ". Ceux-ci sont :

le secteur bas et le secteur de l’ailier (45 degrés) du même côté (Fig. 2)

 

- le secteur bas côté balle et le secteur de l’ailier du côté opposé (fig. 3), notamment lorsque le joueur extérieur se place au delà de la ligne à trois points (écartement de la défense

 

 

le secteur de l’ailier côté balle (derrière la ligne à trois points) et le secteur bas côté opposé (Fig.4)

 

 

 

le secteur bas côté balle et le secteur du poste (Fig.5)

 

 

le secteur du poste lorsqu’il est occupé par un porteur de balle et les secteurs bas du terrain, à l’extérieur (Fig.6)

 

 

ou encore les secteurs situés dans le prolongement de la ligne des lancers-francs (Fig.7)

 

 

les secteurs des ailiers, lorsque l’un de ceux-ci est occupé par un porteur de balle (Fig.8)

Le " savoir-faire " le plus important pour réussir à fixer puis à déstabiliser une défense de zone, afin de créer les conditions d’une bonne position de tir, est sans aucun doute celui relatif à la passe.

Que celle-ci soit exécutée de l’extérieur vers l’intérieur, ou l’inverse, qu’elle ait lieu entre deux joueurs extérieurs, qu’elle soit seulement une passe relais, etc.., il est absolument nécessaire d’insister auprès des joueurs qui la réalisent sur des notions comme :

- le rythme dans la passe, c’est-à-dire la capacité à imprimer une vitesse de déplacement très grande à la balle en un temps très court (transfert du ballon d’un côté à l’autre du terrain, passe sautée, passe de contre-attaque)

- la précision de la passe; celle-ci doit être considérée comme une manifestation de l’adresse, au même titre que le tir. Après une fixation réussie, une passe qui arrive " dans les chaussettes " du futur tireur, annihile complètement le travail de fixation...Cette précision dépend bien sûr du joueur qui effectue la passe, mais elle est également dépendante du joueur à qui est destinée la balle: son travail consiste à donner la cible la plus " nette " possible au passeur, soit par sa position (joueur extérieur placé dans le bon intervalle), soit par la présentation d’une main tendue à l’opposé du défenseur (joueur intérieur soumis à une forte pression défensive)

- la variété de " déclenchement " de la passe; cette dernière notion est étroitement dépendante de l’aisance gestuelle des joueurs. Elle correspond à la capacité de lancer la balle à partir de positions de bras les plus inhabituelles (loin à droite ou à gauche, derrière le dos, au dessus de la tête, sous les jambes, etc...) Plus un joueur sera capable d’excentrer la balle de son corps, moins il sera gêné par une forte pression défensive, et plus ses passes seront précises

- pour ne pas donner d’indications à l’adversaire sur ses intentions, la capacité à n’utiliser que la main et le poignet pour exécuter une passe, sans mobiliser le bras et l’avant-bras

- la capacité à lier très vite la passe à une autre action technique: "recevoir - passer", "dribbler - passer", "capter - passer", "feinter - passer", dévier, etc...

 

III. L’adresse à grande distance

Les défenses de zone ont, à des degrés divers, un objectif prioritaire: protéger la zone restrictive. On comprend vite pourquoi l’arme de l’adresse à mi-distance ou à grande distance devient primordiale dans la réussite de l’attaque: si la défense marche bien " en dessous ", et qu’elle empêche effectivement l’attaque de s’exprimer dans ce secteur, il ne reste plus à cette dernière que la possibilité d’être dangereuse " de loin "... Si cela n’est pas le cas, il reste vraiment peu de chances pour marquer des points....

L’adresse à mi-distance est donc une nécessité stratégique majeure dans la mise en place d’une attaque de zone.

Bien entendu, plus il existe de joueurs capables de tirer efficacement à mi-distance dans l’équipe, plus la défense devra s’écarter pour défendre sur eux, plus son objectif premier (maîtriser la zone restrictive) sera difficile à réaliser.

 

Si l’on se réfère aux toutes meilleures nations européennes actuelles de Basket, à savoir les pays baltes et les nations issues de l’ex Yougoslavie, on peut constater que les jeunes générations de ces pays sont constituées de joueurs ayant un répertoire technique très étendu, et ceci quel que soit leur rôle sur le terrain.

On sait que la tradition sportive de ces pays, du point de vue de l’apprentissage, ne prend en compte la spécialisation des joueurs qu’assez tard dans leur vie, ce qui peut expliquer notamment, qu’on voit souvent dans ces équipes des joueurs de très grande taille prendre sans complexes des tirs à trois points, monter la balle en dribble sans problèmes, ainsi que des "petits" venir prendre des positions intérieures dos au panier...

La réponse relative à l’apprentissage " sélectif " des tirs à grande distance, réservé aux seuls joueurs extérieurs semble donc être plutôt négative; et d’ailleurs, il en va de même pour beaucoup d’autres techniques du jeu...

La spécialisation précoce des joueurs n’étant manifestement que le fruit d’une volonté déplacée d’efficacité immédiate, difficilement compatible avec une véritable formation des joueurs.

De même, pour ce qui concerne l’âge auquel on peut apprendre à tirer de loin ou de très loin, peut-on vraiment croire à cette nécessité de musculature (et par conséquent de musculation, souvent pratiquée de façon fantaisiste...) pour les jeunes joueurs ? Ne sait-on pas tous que ceux-ci, quand ils ne sont pas sous la coupe d’un entraîneur (parfois trop prudent), exécutent toutes sortes de tirs et explorent par eux-mêmes tous les aspects de l’activité ? Le seul problème qui nous semble important est celui de l’adéquation entre le poids et la taille du ballon et les possibilités physiques du joueur à un moment donné de son développement. Il est à signaler que, grâce au basket féminin, on peut maintenant disposer d’une taille de ballon supplémentaire (taille 6), qui peut ainsi faire la " jonction " en douceur entre petits et gros ballons...

Le dernier aspect (lié aux problèmes tactiques) nous semble primordial. En effet, et surtout face à une défense de zone, savoir quand prendre un tir " de loin " est aussi important à nos yeux que de maîtriser sa technique. Ce qui implique en amont, que l’apprentissage et l’entraînement à ce type de tir chez les plus jeunes, s’effectue en y incluant de façon quasi permanente des résolutions de problèmes tactiques.

Le même raisonnement peut être mis en avant en ce qui concerne l’enjeu de ce type de tirs: c’est à l’entraînement que l’on travaillera l’habitude de la pression que ces tirs engendrent chez le tireur, augmentant par là même sa confiance en lui, et la confiance de ses partenaires en lui... Cette pression peut "s’exercer" par le biais d’exercices avec contrat, au temps, etc..., mais aussi en situation de match, en prenant bien soin d’organiser le jeu comme dans la réalité (chronomètre, tenue du score, décompte des fautes, etc...)

La variété des situations et des distances de tir est, quoi qu’il en soit, une des conditions essentielles des progrès dans le domaine de l’adresse.

 

IV. Le jeu intérieur

Pour ce qui concerne le jeu intérieur d’attaque contre une défense de zone, le seul aspect qu’il nous semble important d’évoquer, est celui de la passe. Les autres aspects ne présentent, à nos yeux, pas de différences fondamentales avec les techniques utilisées contre la défense "Homme à Homme".

La passe, en revanche, paraît être un réel problème, aussi bien pour les joueurs qui veulent transmettre le ballon à l’intérieur, que pour les joueurs intérieurs eux-mêmes, lorsqu’ ils cherchent à rentrer en relation entre eux.

Pour passer à l’intérieur, contre une défense de zone, rappelons qu’il est nécessaire d’avoir fixé un ou plusieurs défenseurs auparavant (voir plus haut), et que sur de courtes distances, la passe la plus efficace est la passe à terre.

Lorsque la balle est dans les mains d’un joueur centre et qu’il a " fixé " la défense à l’intérieur, comme nous l’avons mentionné plus haut, on aura un jeu efficace si ce dernier connaît bien les secteurs vers lesquels il aura à donner la balle (s’il est en bas à droite, le secteur " ailier " à l’opposé, ou le secteur du poste haut, etc...).

En effet, pour ce joueur, la lecture se fera d’autant plus rapidement et efficacement s’il sait regarder et quoi regarder.

Du point de vue technique, l’attention sera attirée, surtout pour les passes transversales, sur la précision de la passe, cette dernière devant arriver à hauteur d’épaules, légèrement décalée du côté du bras tireur.

Pour ce qui concerne les passes entre joueurs intérieurs, il convient là aussi de délimiter les espaces et les circonstances dans lesquelles celles-ci doivent avoir lieu:

 

d’un secteur bas vers l’autre, en passant par la ligne de fond, lorsqu’il y a double marquage sur un poste bas effectué par un joueur intérieur venant lui-même de la ligne de fond (passe à terre) (Fig. 9)

 

d’un secteur bas vers le poste haut, lorsque le joueur qui s’y trouve est laissé libre, ou lorsqu’il engage un mouvement vers le cercle (fig.10)

 

 

du poste haut vers un des secteurs bas, lorsque le joueur qui s’y trouve a pris une position avantageuse par rapport à son adversaire direct (Fig.11)

 

La maîtrise du poste haut est souvent synonyme de victoire, car ce secteur de terrain est un lieu privilégié à la fois pour rentrer en relation avec n’importe quel autre secteur, mais aussi pour tirer avec des pourcentages appréciables, ou encore pour pénétrer.

 

V.Conclusion

La défense de zone oblige réellement une équipe à jouer collectivement, puisque les seules qualités individuelles ne suffisent plus pour trouver des solutions offensives, comme c’est trop souvent le cas sur une défense Homme à Homme; elle permet de faire intégrer aux joueurs les notions essentielles relatives au rythme de la rencontre: aller très vite en contre-attaque (surtout à son début), être patient sur attaque placée et savoir attendre le meilleur moment pour trouver la bonne opportunité de tir.

 

Elle favorise à la fois le perfectionnement des joueurs intérieurs, qui sont souvent marqués par plusieurs joueurs adverses (apprendre à feinter, à tirer sous pression, à passer, etc...), et celui des joueurs extérieurs (fixer, passer, tirer à grande distance, etc...) sur d’autres plans que le simple " un contre un ". Elle oblige donc tous les joueurs à enrichir et à diversifier leur bagage technique et tactique.

Pour ces raisons, cette défense ne doit plus être systématiquement bannie des entraînements ou des rencontres des plus jeunes joueurs.

 

L’interdiction de ces défenses dans certaines compétitions nationales n’est, à nos yeux, q’une réponse immédiate (et efficace..!!) pour masquer un certain nombre de faiblesses techniques et tactiques de la majorité des joueurs...Le seul souci des éducateurs devrait être, non pas seulement de faire gagner à tout prix leur équipe, mais surtout de faire progresser leurs joueurs:

- sur le plan de l’engagement physique (défendre en zone n’est pas synonyme de repos!!) et de la perception globale de l’attaque adverse (lecture, compréhension et anticipation des actions de l’attaque) lorsqu’on est en défense,

- sur le plan de l’adresse à mi-distance, de la perception des rythmes du jeu, du jeu de passes, du jeu intérieur, du jeu de feintes, des fixations lorsqu’on est en attaque.