On sait depuis Zatsiorski (1966) qu'un
athlète qui pousse en position de squat (fig. 1 a) sur une barre
fixe produit une force donnée appellée force maximale
isométrique. Le même athlète lors d'un saut en contrebas (encore
appelé exercice de pliométrie)(fig. 1 b) va pouvoir développer une
force supérieure d'une fois et demi voire 2 fois sa force maximale
isométrique. |
 Figure 1: le gain de
force dû à l'étirement musculaire |
On peut le constater sur la
démonstration suivante de Bosco. Bosco construit la courbe de la
relation force-vitesse en prenant l'exemple d'un athlète à qui il
demande d'exécuter des squat jumps (saut avec départ genou fléchi à
90° et effectuer sans étirement musculaire, voir article sur les
tests) dans des conditions différentes : avec poids de corps seul,
puis avec une charge progressivement croissante jusqu'a l'isométrie.
La figure 2 montre les résultats : en abscisse on note la vitesse de
l'articulation du genou (en radiant par seconde) et en ordonnée on
enregistre la force sur plate-forme de force pour chacun des
essais. Si on demande à l'athlète d'effectuer un saut en
contrebas (drop jump=DJ) on enregistre une force nettement
supérieure pour une vitesse du genou également très supérieure. D'où
la position du drop jump (DJ) sur la courbe. Bosco par un calcul
théorique indique la position de l'impulsion du saut en hauteur (HJ)
du saut en longueur (LJ) et de la course (R). Cette efficacité ne
s'explique que grâce à l'utilisation du "cycle
étirement-raccourcissement".
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 figure 2 : relation
force-vitesse construite à partir de l'exécution de différents squat
jumps sur plate forme de force. En abcisse la vitesse angulaire du
genou, en ordonnée la force en Newton(N) (10 N = 1kg) mesurée sur
plate forme. La courbe représente donc le squat jump avec
différentes charges (SJ). DJ = drop jump, HJ = saut en hauteur, LJ =
saut en longueur , R = course (d'après Bosco
1985) |
Qu'est-ce qui explique ce gain de force ?
On formule aujourd'hui deux types d'explications.
- l'intervention du réflexe myotatique - le rôle joué par
l'élasticité musculaire
ÉTYMOLOGIE
Selon Wilt le mot PLIOMETRIE vient du grec "plethyein" qui signifie
augmenter et du mot "isométrique" qui signifie de même longueur.
Plyométrie ou pliométrie ?
Les Américains l'écrivent avec un "y", l'école italienne de loin la
plus reconnue l'écrit avec un "i", nous avons personnellement tranché sans
hésiter pour la 2e solution.
DÉFINITION
On parle d'une action musculaire pliométrique lorsque un muscle qui se
trouve dans un état de tension est d'abord soumis à un allongement (on
parle d'une phase excentrique) et qu' ensuite il se contracte en se
raccoursissant (on parle alors de phase concentrique). Il y a mise en jeu
de ce que les physiologistes appellent "the stretch-shortening cycle" (le
cycle étirement-raccourcissement).
ILLUSTRATIONS
Les actions les plus courantes sont la plupart du temps pliométriques :
- dans la course, la foulée comporte une phase d'amortissement
(excentrique) et une phase de renvoi (concentrique); - les foulées
bondissantes et tous les bondissements sont également régis par les mêmes
principes avec des tensions musculaires supérieures.
LE HAUT DU CORPS
- certaines écoles (c'était le cas de l'école italienne) assimilait la
pliométrie aux situations d'hypergravité (sauts en contrebas) ce qui ne
laissait aucune possibilité pour une pliométrie du haut du corps. En fait
d'après la définition physiologique de l'action musculaire pliométrique,
le principe s'applique évidemment aux muscles des bras :
- l'exemple type réside dans le lancer de médecine-ball en touche de
football; - le lancer de balle et de javelot; - le tir de
handball; - le smash de volley; ...
En fait, il est souvent très difficile de trouver des actions qui ne
soient pas du tout pliométriques. La pliométrie a simplement consisté à
répertorier et à systématiser des exercices où cet enchainement d'actions
(allongement-raccoursissement) était prépondérant dans l'exécution.
Examinons les 2 paramètres : l'intervention du réflexe myotatique et
l'élasticité.
1 - LE RÉFLEXE
MYOTATIQUE
Quand un muscle est étiré, il se contracte par réaction de défense :
il s'agit du réflexe myotatique.
Il a également été mis en évidence par
Schmidtbleicher (1985a) (fig 3) sur un saut en contrebas. Le
tracé représente l'activité électrique du muscle (la sollicitation
nerveuse du muscle) au cours d'un saut en contrebas. En parallèle,
on représente la sollicitation musculaire obtenue par le même
athlète lors d'une Contraction Maximale isométrique. L'axe des
abcisses représente le temps en millisecondes. Les tirets verticaux
indiquent le moment du contact de l'athlète avec le sol. On constate
:
- Un dépassement de la force maximale isométrique, - une
participation du réflexe myotatique (montré par la flèche).
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 figure 3 : l'activité
électrique du triceps lors d'un saut en contrebas de 1,10m et sur un
effort maximal isométrique (corrigé d'après Schmidbleicher,
1985) |
2 - L'ÉLASTICITÉ
MUSCULAIRE
Elle est illustrée par le schéma de Hill
amélioré par Shorten(1987)(fig 4). On constate sur la figure une
partie contractile (le muscle) et deux composantes élastiques : -
une composante en "parallèle" représentée par les membranes et les
enveloppes des muscles : elle n'intervient pas dans l'efficacité de
l'action musculaire; - une composante en "série"; On sait
aujourd'hui que seule l'élasticité série (E.S.) est efficace dans
les mouvements sportifs. On distingue dans cette E.S. deux
fractions:
- une fraction passive qui se trouve dans les tendons; - une
fraction active qui se trouve dans la partie contractile et même
plus précisément dans les ponts d'actine-myosine. La figure 5 montre
un pont d'actine myosine avec la représentation d'un ressort dans la
queue de myosine (d'après Huxley 1974).
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 figure 4 : le schéma de Hill
(modifié par Shorten et complété, 1987)
 figure 5 : représentation des
ponts d'actine-myosine (d'après Huxley
1974) |
RAPPORT ENTRE RÉFLEXE MYOTATIQUE ET ÉLASTICITÉ
SÉRIE
Bosco (1972) a effectué une estimation
de la contribution de l'élasticité et du réflexe myotatique. Il
analyse le gain consécutif à un contremouvement jump (voir
description de ces tests dans l'article sur la pliométrie en
athlétisme) comparé à un squat jump. Il évalue la part relative de
l'élasticité à 70% et celle relative au réflexe myotatique à 30%
(fig.6).
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 figure 6 :
participation relative du réflexe myotatique et de l'élasticité
musculaire, estimée à partir de la différence entre contremouvement
jump et squat jump (d'après Bosco
1982). |
L'INFLUENCE DU TRAVAIL DE PLIOMÉTRIE SUR LA
PHYSIOLOGIE DU MUSCLE
Le travail de pliométrie va permettre:
- de développer des forces supérieures à la force maximale
volontaire (1 fois et demie, voire 2 fois la force maximale
volontaire); - de diminuer les inhibitions sur le réflexe
myotatique (Schmidbleicher, 1988); - d'élever le seuil des
récepteurs de Golgi (Bosco 1985); - d'améliorer la sensibilité du
fuseau neuromusculaire (Pousson 1988); - de diminuer le temps de
couplage (Bosco 1985); - d'augmenter la raideur musculaire
(Pousson 1988).
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 figure 7 : Les
conséquences pratiques du travail de
pliométrie |
Quelques expériences :
L'entraïnement de pliométrie a donné lieu à de nombreuses expériences,
c'est Bosco qui a été en Italie et en Finlande le précurseur de la
recherche sur la pliométrie.
Les tests :
Bosco a mis au point un tapis de contact qu'il a appelé
"ergojump" qui permet d'éffectuer de façon rapide des tests de
détente (ces tests seront décrits plus loin).
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 figure 8 : l'ergojump
de Bosco |
La variation de l'angle de travail
:
Bosco et Pitterra (1982) ont effectué sur l'équipe d'Italie de
Volley-ball une expérience interessante sur l'entraînement en
pliométrie. L'équipe nationale universitaire servait de groupe
témoin. Le travail effectué pendant ces 2 mois a été le même pour
les 2 groupes: l'équipe nationale italienne ajoutant 2 fois par
semaine un travail de saut en contrebas en arrivant au sol avec une
position de flexion à 90°(figure 9).
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 figure 9 : exercice
effectué par le groupe
expérimental |
Le tableau 10 donne les résultats de cette expérience:
 figure 10 : Expérimentation
de Bosco et Pittera sur les volleyeurs de l'équipe nationale
On constate des gains spectaculaires en détente en Squat Jump et en
Counter Mouvement Jump (de l'ordre de 10 cm).
La surcharge idéale :
On teste les sujets à vide en SJ et CMJ, on calcule la différence. Il
n'est pas rare chez certains athlètes d'avoir une différence dérisoire. Si
on recommence les 2 tests avec 5 kg de charge sur les épaules (ou avec un
gilet lesté) on constate souvent une augmentation de la différence signe
d'une meilleure utilisation de l'élasticité. On recommence avec 10 kg puis
15, 20 etc... jusqu'à ce que la différence diminue. On peut donc ainsi
déterminer pour chaque athlète la surcharge idéale. Bosco constate que
cette surcharge varie en fonction des spécialités et qu'elle est en
général supérieure aux données de la littérature qui la fixait entre 5 et
10 % du poids de corps. Bosco obtient en fait des valeurs proches de 15 %
pour les volleyeurs de l'équipe d'Italie et 20 à 25 % pour les sauteurs en
hauteur.
 figure 11 : l'évolution de
la différence CMJ-SJ pour un athlète donné (70 kg) (Bosco
1985)
L'entraînement en "hypergravité" :
Il s'agit d'une expérience de Bosco et Coll. de 1984. 35 athlètes ont
été divisé en 2 groupes: un groupe témoin et un groupe expérimental. Les 2
groupes subissaient le même entraînement athlétique, le groupe
expérimental était soumis à une situation "d'hypergravité", c'est-à-dire
qu'il portait un habit lesté (la charge étant répartie harmonieusement sur
tout le corps) représentant 13% du poids de corps. L'expérience a duré 21
jours, l'habit lesté étant porté toute la journée (y compris lors des
entraînements) et retiré pour dormir. La figure 12 montre les résultats
des 2 groupes aux tests de puissance (rebond sur le tapis pendant 15
secondes) et de la meilleure hauteur de chute en drop jump. On constate
une amélioration significative du groupe qui a vécu et s'est entraîné dans
des conditions d'hypergravité.
 figure 12 : résultats des 2
groupes lors de l'expérience d'hypergravité (d'après Bosco
1984)
Nous voyons donc dans cet exemple l'aspect futuriste que va prendre
l'entraînement à la pliométrie dans les années à venir.
Pour en savoir plus :
Bosco C. (1985) L'effetto del pre-stiramento sul
comportamento del musculo scheletrico e considerazioni fisiologiche sulla
forza esplosiva. In Atleticastudi jan-fev . 7-117 traduction Insep n°
644. Duchateau J. Contribution à l'étude des mécanismes physiologiques
des effets de l'entraînement sur la contraction musculaire. Thèse de
doctorat en éducation physique. Université libre de Bruxelles, 210
p. Cometti, G. (1987) La pliométrie, ed : Université de
Bourgogne. Cometti, G. (1988) Les méthodes modernes de musculation,
compte-rendu du colloque de novembre 1988 à l'UFR STAPS de Dijon, ed :
Université de Bourgogne. Tome 1 données théoriques. Cometti G. (1988)
Les méthodes modernes de musculation, compte-rendu du colloque de novembre
1988 à l'UFR STAPS de Dijon, ed : Université de Bourgogne. Tome 2 données
pratiques. Cometti, G. (1993) Football et musculation, ed : Actio,
Joinville-le-Pont. Cometti, G. (1990) Les méthodes de musculation :
cassette VHS (45 mn). Cometti, G. (1996) Les bondissements dans la
théorie Piron : cassette VHS (45 mn). Cometti, G. (1996) Musculation et
sports collectifs : cassette VHS (45 mn). Gambetta V. (1987) Les
principes de l'entraînement pliométrique, In traduction Insep n° 579
(edited by Insep). Goubel F. Van Hoecke J. (1982) Biomécanique et geste
sportif, In Cinésiologie XXI, 41-51. Lundin P. (1985) Revue de
l'entraînement pliométrique, In traduction Insep n° 558 (edited by
Insep). Schmidtbleicher D. (1985) L'entraînement de force; 1ère partie:
classification des méthodes. Sciences du sport, août 1985. Viitassalo
L.T. Bosco C. (1982) Electromechanical behaviour of human muscles in
vertical jump, In European Journal of Applied physiology, 48,
253. Zanon S. (1974) Plyometrie für die Sprünge, die Lehre der
Leichtathletik, april, 16, 549-552.
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